« Dites donc, Liliane, elle a pris un sacré coup de pelle la mère Verneuil ! Hein ? »
Qu’est-ce qu’on a tous fait au Bon Dieu ? (Le boucher)


Étude sémiologique des représentations des femmes de plus de 50 ans
dans
les films français du box-office 2022

réalisée par le cabinet Sémiosine
à la demande de la commission AAFA-Tunnel de la Comédienne de 50 ans

TÉLÉCHARGEZ L’INTÉGRALITÉ DE L’ÉTUDE SÉMIOSINE ICI


AAFA-Tunnel de la
Comédienne de 50 ans édite depuis 2015 son baromètre sur la place des femmes de plus de 50 ans dans les films français.

Quelques chiffres pour rappel. Aujourd’hui en France, une femme majeure sur deux a plus de 50 ans. Or, sur l’ensemble des films français sortis en 2021, seuls 7 % des rôles ont été attribués à des comédiennes de plus de 50 ans. En 2015, c’était 8 %.  Autant dire que, quantitativement, rien ne bougeAu cinéma, les femmes ne vieillissent pas, elles disparaissent des écrans.

Et qualitativement ?

C’est la question que nous avons posée à Gaëlle Pineda et Nicolas Jung, cofondateurs de Sémiosine, un cabinet d’études spécialisé en sémiologie narrative et culturelle.

Une étude qui tombe à pic, car elle résonne étonnamment avec une autre, de ressenti du public celle-ci, produite par Opinion Way* ce 22 novembre 2023.

Le corpus ?

À notre demande, Sémiosine a examiné les 10 films français en tête du box-office 2022.

Pourquoi ?

Parce que la sémiologie est « un outil de diagnostic des discours visuels et textuels construits, une science de la signification, qui permet de mettre en évidence les logiques et les valeurs profondes qui structurent un récit ».

À travers ce prisme, nous souhaitions découvrir ce que les films ayant réuni le plus grand nombre de spectateurs en 2022 (16 471 185 entrées) proposent comme représentation des femmes de plus de 50 ans, saisir ce qu’ils véhiculent dans l’inconscient collectif, et ainsi comprendre « ce que cette représentation nous dit de notre rapport culturel à l’âge et au féminin ».

Le Verdict ?

À une exception près, dans ces 10 films, les rôles de femmes de plus de 50 ans sont généralement secondaires, voire insignifiants. Et la majorité des productions « se caractérisent par une vision stéréotypée, voire rétrograde des identités de genre ».

Deux grands axes de représentations se dégagent : LES femmes de plus de 50 ans dans des rôles sociaux bien définis et LA femme de plus de 50 ans essentialisée de façon caricaturale.

1°  Les femmes de plus de 50 ans dans des rôles sociaux bien définis

On y retrouve 3 typologies de représentations relativement classiques.

Rien de nouveau sous le soleil, les mères de famille arrivent en première position ! C’est la sous-catégorie reine, « une de celles où les stéréotypes de genre sont par ailleurs les plus prégnants ».

En deuxième position viennent les femmes de pouvoir. Ne nous emballons pas, elles « existent avant tout par leur métier » et « n’ont droit à aucune vie personnelle, familiale ou amoureuse. Elles n’ont aucune existence en dehors du travail ».

En troisième position, les mentors ferment le peloton et « semblent enfin composer une galerie de portraits un peu plus ouverts, un peu plus libres et peut-être plus humains aussi », mais « les stéréotypes ne sont jamais loin ».

Résumons : « des mères, des grands-mères, des femmes qui peuvent aujourd’hui occuper des postes dans des univers traditionnellement réservés aux hommes, mais rarement des femmes désirées et/ou désirantes ».

2°  La femme de plus de 50 ans essentialisée

Les deux films présentant cet axe de représentation nous étonnent (on vous laisse la surprise à la lecture de l’étude), car « on pouvait pourtant imaginer par le choix de leur sujet et/ou la personnalité du réalisateur qu’ils seraient porteurs d’un point de vue progressiste sur ces questions ».

Pourtant, l’analyse sémiologique de leur mise en récit fait ressortir une « représentation essentialiste de LA femme : créature sous l’emprise de ses émotions quand l’homme est un être de raison », ou « tentatrice vengeresse dont les hommes seront toujours les victimes ».

Ainsi, les films du box-office français 2022 nous montrent « le chemin qu’il reste à parcourir pour qu’une représentation plus juste, moins binaire, moins stéréotypée des femmes de plus de 50 ans puisse se dessiner dans le cinéma français, et ainsi offrir des modèles dans lesquels les plus jeunes pourraient s’identifier ».

Et le public, il en pense quoi ?

Une étude de ressenti du public de plus de 50 ans (H/F), réalisée par OpinionWay(*) à la demande de la société Disons Demain, nous dit que le public en a marre !

On y découvre que 65 % des répondants estiment que les rôles principaux de femmes de plus de 50 ans sont beaucoup trop rares et 70 % que ces rôles sont stéréotypés.

Les rôles qu’ils disent voir le plus souvent sont ceux de mères pour 54 %, grand-mères pour 51 %, femmes soumises pour 50 %, femmes au foyer pour 49 %. Aïe !

Alors que, par ailleurs, les répondants précisent qu’ils aimeraient voir plus souvent des femmes autonomes (51 %), libres (51 %), actives (50 %), puissantes (50 %).

Tiens tiens, il y aurait comme un accord entre l’analyse de nos sémiologues et les ressentis du public, qui pense (79 %) que « La présence des femmes de 50 ans et plus au cinéma a un impact sur la société, elle la rend plus égalitaire ».

Oui, nous aussi nous pensons que les fictions, au-delà d’être des objets artistiques, véhiculent des normes, transmettent des valeurs, proposent des modèles qui influencent notre perception du monde et construisent notre inconscient collectif. Invisibles et stéréotypées à l’image, les femmes de plus de 50 ans disparaissent de l’imaginaire collectif. 

Qui n’est pas représentée n’existe pas.
Rendre visibles les femmes de plus de 50 ans dans les fictions est un enjeu de société !


(*) La place des femmes de 50 ans et plus au cinéma , étude OpinionWay réalisée du 21 au 29 septembre 2023 auprès d’un échantillon de 1 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 50 ans et plus.

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